Ébauches de la pudeur

Le sentiment de pudeur arrive un ou deux ans après la fin du complexe d’Œdipe chez l’enfant (dès 9 ans les filles le ressentent, plus précocement que les garçons). Le débordement affectif qui les habitait jusque-là s’estompe progressivement et laisse place à la réserve et à la discrétion des affects et des ressentis.

Ce qui se joue intérieurement leur semble étrange : le corps se transforme, la question de la sexualité les embarrasse, voire les dégoûte, l’énigme des origines les travaille (comment fait-on les bébés ? Est-ce que mes parents sont vraiment mes parents ?), les secrets et cachoteries entre amis naissent. Tout cela incite l’enfant à faire respecter une distance qui lui paraît de plus en plus nécessaire entre lui et ses parents. En devenant pudique, l’enfant camoufle une partie de sa vie intérieure : cela le protège et lui apprend à contenir ses sentiments.

Au fond, qu’est-ce que la pudeur ? C’est le sentiment de posséder une vie propre qui représente la part minimale que l’autre n’a pas à franchir. Elle suppose donc une  distance face à autrui. C’est ce cordon de sécurité autour de soi qui permet à l’enfant  de se sentir autonome et indépendant. Le sentiment de pudeur est à la base de la notion de “vie privée”, si essentielle à la constitution de la personnalité.

L’intimité dont a besoin l’enfant n’est pas que physique, elle est aussi morale. Certains adultes posent des questions gênantes, ont des attitudes trop familières ou envahissantes, un langage trop cru ; d’autres exigent de leur enfant de dire tout ce qu’il pense. Respecter la distance qu’instaure un enfant entre lui et ses parents l’aidera plus facilement à se faire respecter d’autrui, à l’extérieur de sa famille.

par Harry Ifergan

  • Publié: 18/01/2014 06:49
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