Les principales déficiences et incapacités

Les différentes déficiences s'associent de façon diverse. Leurs effets fonctionnels varient avec le développement de l'enfant et le risque du handicap initial peut s'aggraver de handicaps secondaires, qui dominent le pronostic et font l'objet des thérapeutiques possibles.

La déficience intellectuelle

Approximativement de Q.I. inférieur à 0,50 et partie intégrante de l'ensemble, elle entraîne pour le sujet :

  • des difficultés à se situer dans l'espace et le temps;
  • une fragilité des acquisitions mnésiques (mémoire);
  • des troubles ou impossibilité de raisonnement, de mise en relation des situations entre elles;
  • et, le plus souvent, l'absence de langage ou un langage très rudimentaire.

Toutefois, sont souvent préservées les possibilités d'expression des émotions, de contact avec l'environnement, et des acquisitions d'autonomie se font chez tous les enfants bien pris en charge lorsqu'on s'appuie sur les compétences et non sur les manques.

Il peut arriver que les troubles du comportement prennent une place importante : stéréotypies, auto agressivité, phénomènes de repli psychotique. Ici se posent les questions des limites entre le polyhandicap et certaines psychoses déficitaires très régressives.

Des études précises ont montré que dans le jeune âge, les éléments permettant de faire la distinction entre autisme et déficience mentale étaient peu nombreux. C'est autour de 18 mois que l'on peut recueillir des signes permettant une orientation du diagnostic. L'utilisation d'échelles telles que l'ECAN (échelle de comportement autistique du nourrisson) permet de mieux préciser les signes et leur évolution. Les cas frontières sont nombreux et, dans une déficience mentale authentique, des signes de la série autistique peuvent s'observer qui régressent lorsque l'enfant est bien pris en charge.

L'existence de syndromes particuliers où se groupent ou alternent des manifestations psychotiques et un polyhandicap sévère montre bien la complexité du problème : c'est le cas du syndrome de Rett (qui n'atteint que les filles, se manifeste d'abord par une indifférence et une perte de l'usage des mains, puis par des crises épileptiques évoluant vers une quadriplégie et une spasticité; maladie évolutive dont l'étiologie est inconnue). C'est le cas aussi de certaines encéphalopathies épileptiques (syndrome de West) avec syndrome autistique et troubles du comportement.

Les troubles moteurs sont pratiquement constants

On distinguera l'analyse des déficiences motrices et leurs conséquences fonctionnelles.

Infirmité motrice d'origine cérébrale

Certains distinguent encore actuellement les sujets IMOC dont l'intelligence est lacunaire ou déficitaire et les IMC « vrais » dont le potentiel intellectuel reste normal malgré les difficultés d'expression. Mais sur le plan neurologique, les troubles sont exactement les mêmes à savoir le défaut de régulation du tonus musculaire par les centres nerveux : spasticité (avec exagération du réflexe myotatique), rigidité (comparable à celle du Parkinson de l'adulte), athétose (où dominent les troubles de l'innervation réciproque et les mouvements anormaux).

Lorsque l'enfant est petit, on note parfois seulement une pauvreté de la motricité, des troubles du tonus postural, une raideur des membres. Puis au cours du développement, qui permet quelques progrès moteurs, l'enfant se révèle atteint de quadriplégie, hémiplégie, paraplégie ou de troubles plus complexes de type dystonique. Le défaut postural est constant et affecte la tenue de tête et de tronc et la station assise et érigée.

Hypotonie massive

Des troubles du tonus de posture et des membres particulièrement graves sont observés dans certaines malformations cérébrales (lissencéphalie). Le diagnostic avec une atteinte périphérique ou musculaire n'est pas toujours facile et du reste dans certaines maladies évolutives du système nerveux coexistent des atteintes centrales, périphériques ou musculaires.

De plus, certaines myopathies rares s'accompagnent de déficience intellectuelle, donc de tableaux proches du polyhandicap.

Troubles de l'organisation motrice

Ce sont des déficiences motrices très particulières que l'on observe surtout chez les sujets atteints d'encéphalopathie épileptique précoce (syndrome de West ou de Lennox).

Il n'existe pas de paralysie vraie mais une hypotonie massive centrale au moins chez le jeune enfant. Dans la suite elle fait place à une reprise très lente des activités motrices pouvant aboutir à une marche qui reste souvent précaire. Il existe souvent une méconnaissance du sens de position du corps dans l'espace, des troubles de l'équilibre, une déambulation automatique, ne tenant pas compte des obstacles. Les chutes sont fréquentes. Il arrive que des régressions motrices graves succèdent à un état de mal convulsif ou à des absences répétées (forme de crise épileptique pendant laquelle le sujet semble « absent », ne réagissant ni ne communiquant plus tout en gardant un aspect éveillé). Ces régressions ne sont pas toujours définitives mais elles rendent la fonction motrice de ces sujets très aléatoire.

Des troubles de l'organisation motrice un peu différents peuvent aussi affecter des sujets atteints d'encéphalopathies malformatives ou de certaines aberrations chromosomiques. Ainsi dans le syndrome d'Angelman existe une absence d'utilisation des membres inférieurs. Il peut s'y ajouter des lésions articulaires ou péri articulaires congénitales.

Troubles moteurs secondaires

Ils sont les conséquences du retentissement articulaire de la spasticité, de certaines positions vicieuses ou de stéréotypies motrices : les luxations de hanches, les scolioses évolutives à l'adolescence, les déformations des membres limitent encore les performances motrices et les possibilités de déplacement. Elles sont source de douleurs. Tous les efforts de l'éducation motrice précoce et des installations orthopédiques portent sur la prévention de ces handicaps secondaires et ces efforts doivent être entrepris dès le très jeune âge.

Sur le plan fonctionnel

Quel que soit le trouble moteur en cause, les méthodes actuelles permettent à la personne polyhandicapée d'accéder à des degrés d'indépendance motrice très variables, depuis la marche libérée plus ou moins solide jusqu'aux grandes incapacités quadriplégiques dépendantes.

L'usage personnel d'un fauteuil roulant manuel ou électrique est limité par les possibilités intellectuelles et d'orientation spatiale mais doit toujours être tenté. En tout état de cause le terme de « grabataire » ne devrait plus être pertinent puisqu'il existe des méthodes pour tenter dans le plus grand nombre de cas de verticaliser, au moins en position assise, les sujets polyhandicapés. Ceci a une importance au plan vital, car la mortalité est directement proportionnelle au degré de dépendance motrice et à l'importance des déformations orthopédiques rendant impossible la station verticale.

Le retentissement buccolinguofacial des troubles moteurs et les problèmes orthopédiques mandibulaires qui leur sont liés jouent un rôle considérable dans le pronostic vital par le biais des difficultés de déglutition et des fausses routes.

L'épilepsie

Elle atteint 40 à 50 % des sujets polyhandicapés et dans un cas sur 4 ou 5 ces épilepsies sont difficiles à équilibrer. La maladie épileptique grave et invalidante à crises multiples et très polymorphes succède le plus souvent à un syndrome de West ou de Lennox de la petite enfance. Il peut s'agir d'absences, de crises toniques brèves, et parfois d'une véritable « épilepsie chutes » à crises imprévisibles qui, chez le sujet marchant entraîne des traumatismes répétés, de la face surtout, avec des fractures dentaires, des déformations qui finissent par constituer un véritable handicap secondaire. Des troubles du comportement peuvent aussi succéder à la répétition des crises (somnolences coupées d'accès d'hyperactivité, parfois agressivité ou conduites auto-offensives).

Au plan fonctionnel, ces formes très invalidantes, heureusement les plus rares sont de mauvais pronostic, mais également au plan vital. En contraste, les épilepsies à crises épisodiques sont plus facilement accessibles aux thérapeutiques actuelles et affectent moins la vie quotidienne des sujets.

Les troubles sensoriels

Ils font très souvent partie des problèmes invalidants du polyhandicapé, surtout lorsqu'il avance en âge.

L'évaluation de l'audition n'est pas facile (car elle suppose la compréhension du sujet pour être bien testée). La surdité est relativement rare et pose des problèmes difficiles d'ajustement et de tolérance des appareillages. Mais les surdités liées à des troubles de l'oreille moyenne d'origine infectieuse, parfois malformative, se voient également.

Les troubles de la vision sont très fréquents (40 % des sujets polyhandicapés). Amétropie (myopie, astigmatisme...), cataractes congénitales ou acquises, malformations oculaires ou atteinte rétinienne, dont les examens ophtalmologiques peuvent faire la preuve, mais parfois avec l'obligation d'une anesthésie générale pour les réaliser.

On a surtout mis en évidence ces dernières années la fréquence des troubles de la réception des images visuelles (cécité corticale ou troubles visuels centraux). Ces difficultés ne sont pas mesurables par les examens conventionnels, mais rendent la vision fatigante, aléatoire, avec des troubles de la perception du relief, du fond par rapport à l'objet, une sensibilité à l'encombrement visuel. Ces sujets ont une meilleure perception des objets en mouvement dont l'image est reçue par la rétine périphérique, par opposition à la vision maculaire fine. D'où des méthodes de stimulation visuelle assez particulières qui engagent toute la statique de la tête et du cou.

Au fur et à mesure du vieillissement, de nouveaux problèmes sensoriels peuvent apparaître et il est important de les repérer : l'intolérance au bruit, la tendance à l'isolement feront suspecter le début d'une surdité. Des hallucinations ou fausses perceptions visuelles peuvent être observées chez des sujets dont la vue s'altère. Des cataractes, des décollements de rétine peuvent survenir avec l'âge.

Les doubles déficits sensoriels visuels et auditifs sont actuellement plus rares depuis la prévention de l'embryopathie de la rubéole. Mais ils posent des problèmes particuliers de rééducation et de communication, d'autant plus que peuvent s'intriquer des troubles de la personnalité et du comportement.

Les troubles somatiques

Le sujet polyhandicapé est fragile. La mortalité est dix fois plus élevée que chez les sujets normaux à âge égal. Les problèmes les plus fréquents et graves sont indiqués ci-dessous.

  • L'insuffisance respiratoire chronique, liée à la faiblesse des muscles respiratoires, aux déformations thoraciques mais surtout aux fausses routes alimentaires à répétition qui sont causes d'encombrement bronchique.
  • Les troubles nutritionnels. Ils sont liés à l'atteinte neurologique de la sphère buccolinguale et aux difficultés de mastication, déglutition. Ces sujets polyhandicapés sont en général chroniquement sous alimentés et surtout mal hydratés, en raison de leur dépendance et de la difficulté pratique de faire absorber des quantités suffisantes de liquide. Les pertes salivaires sont aussi un facteur de déshydratation et d'encombrement pharyngé.

À l'inverse, on peut observer des phénomènes de boulimie et d'obésité mais ceci est plus rare (dans le syndrome de Willi Prader, l'obésité, les troubles orthopédiques peuvent aboutir à un polyhandicap sévère, alors même que le niveau n'est pas celui de la déficience mentale profonde).

Le reflux gastro-oesophagien très fréquent est source de douleurs, d'anémies, de vomissements parfois.

  • Les troubles de l'élimination posent des problèmes quotidiens : constipation, vessie spastique et infection urinaire sur résidu vésical.
  • Enfin la fragilité cutanée, entraînant le risque d'escarre, est liée aux positions particulières d'une part, aux problèmes de nutrition d'autre part. Toutefois elle n'est pas aussi prégnante que dans les lésions du système nerveux périphérique.

La santé du sujet polyhandicapé dépend directement des soins de vie quotidienne qui lui sont donnés, et il est particulièrement sensible aux changements de vie et d'environnement humain. On a montré que 25 % des décès survenaient dans les trois mois suivant un changement de vie.

Groupements cliniques et étiologiques

On peut distinguer schématiquement quatre grands groupes d'enfants polyhandicapés :

  • les infirmes moteurs d'origine cérébrale, lourdement handicapés sur le plan moteur, gardant parfois un très bon contact malgré l'absence de langage;
  • les grands épileptiques sévères avec parfois comportement pseudo-autistique;
  • les ensembles malformatifs, où les troubles moteurs sont moindres mais où diverses surcharges et une dysmorphie (déformations visibles, en particulier du crâne et de la face) s'associent à la déficience mentale sévère;
  • les maladies évolutives du système nerveux central.
  • Publié: 07/01/2012 16:08
  • Par Mark Andris
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